La municipalité de Sommerau – comme d’autres communes alsaciennes, dont Schiltigheim, Illkirch, Muttersholtz et Neuwiller-lès-Saverne – se montre intéressée par le projet de forêt sanctuaire (ou forêt cinéraire). Une alternative écologique à l’offre funéraire existante, à la fois éco-responsable et naturelle, développée en Suisse, au Luxembourg et surtout en Allemagne, qui consiste à sanctuariser une parcelle de forêt pour y enterrer les cendres des défunts au pied d’un arbre. Comme dans un cimetière, chaque arbre devient une concession pérenne.
Être utile à la nature, même mort
Concrètement, les familles peuvent inhumer une urne funéraire à un endroit précis sur le site, sous l’arbre de leur choix – soit communautaire parmi des inconnus, ou familial entre proches –, lors d’une cérémonie religieuse ou laïque. Jusqu’à dix urnes peuvent trouver place autour du tronc, à une profondeur de 80 cm. L’emplacement exact est géolocalisé et répertorié. L’identité du défunt est indiquée sur une plaque apposée sur l’arbre ou à proximité. Ce lieu de mémoire en pleine nature offre aux familles la possibilité de vivre leur deuil, de se recueillir, à l’instar d’un site cinéraire traditionnel.
Il est « ouvert à toutes les croyances religieuses », à condition d’accepter la crémation et se veut « égalitaire ». « Riche ou pauvre, homme ou femme, on est tous logés à la même enseigne, tous sous le même arbre », observe Denise Heilbronn, présidente fondatrice de l’ association Au-delà des Racines, qui promeut ce concept en Alsace. Pour elle, ces lieux de sépultures naturels représentent l’avenir.
Répondre à la saturation des cimetières
Ce mode alternatif d’inhumation suit « l’évolution sociétale », celle d’un « retour à l’environnement, au naturel », indique Jacqueline Jaeger, maire déléguée d’Allenwiller et adjointe au maire de Sommerau. Il permet de « sanctuariser » la parcelle de forêt, en la protégeant de toute exploitation. Cet espace boisé sort alors du champ économique. Les arbres ne peuvent être coupés. Et le site retrouve sa naturalité. L’authenticité du biotope forestier est ainsi préservée.
Bruno Lorentz, maire de Sommerau, Jacqueline Jaeger et Catherine Antoni, adjointes au maire, et Denise Heilbronn, présidente fondatrice de l‘association Au-delà des Racines, contemplent un des grands chênes de la future parcelle sanctuaire. Photo DNA /Guillaume ERCKERT
Aussi, la forêt sanctuaire permet de « répondre à la saturation des cimetières », selon Bruno Lorentz, maire de Sommerau, tout en offrant « une façon d’être utile à la nature, même mort », assure Denise Heilbronn.
À Sommerau, une chêneraie de trois hectares, située sur les hauteurs d’Allenwiller, pourrait ainsi être classée, aménagée et gérée par la commune en vertu du droit funéraire, si le projet voit le jour.
Incompatibilité des prestations proposées avec le droit funéraire en vigueur
Car il subsiste un flou juridique, empêchant la réalisation du projet. L’État considère « l’incompatibilité des prestations proposées avec le droit funéraire en vigueur, revenant à faire payer aux familles des prestations qui doivent être gratuites », explique Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. En effet, à l’issue de la crémation, la dispersion des cendres est notamment autorisée en pleine nature et demeure gratuite, conformément à la loi. Or, les urnes biodégradables, à l’instar de celles utilisées dans les forêts sanctuaires en Allemagne, provoquent la dispersion des cendres. La commune ne peut donc pas facturer la prestation. De plus, en droit funéraire, toute inhumation induit la possibilité d’exhumation. L’urne funéraire doit donc pouvoir être déterrée et restituée sur demande.
« Une des solutions, comme l’envisage la municipalité de Muttersholtz, consiste à inhumer des urnes fabriquées avec des matériaux naturels, comme le bois imputrescible ou la pierre », détaille Bruno Lorentz. L’urne serait alors écologique et ne se dégraderait pas avec le temps. De fait, cette solution permet de « rester dans le droit funéraire », poursuit l’édile. Il reste encore toutefois à convaincre le législateur. Mais la commune de Sommerau veut y croire.